dimanche 15 juillet 2007

L'Europe domine le monde

L'Europe domine le monde (de 1896 à nos jours)

Le phénomène « d’exportation » de différents styles de lutte qui s’était produit dans l’Empire Ottoman, où on favorisait la lutte à l’huile (« yagli gures ») malgré l’existence de la lutte turque en vêtements (« karakusak »), se reproduit avec les nouveaux peuples colonisateurs.

Les deux plus puissantes nations du monde à l’orée du XXème siècle, l’Empire Britannique et la France (avec son propre empire colonial), possédaient chacune leurs sports de combat :
- la boxe française-savate et la lutte française dite « gréco-romaine » pour la France
- la boxe anglaise et la lutte « catch-as-catch-can » (synthèse de plusieurs luttes traditionnelles) pour l’Angleterre ainsi que les Etats-Unis d’Amérique.

Les Anglais avaient en effet répandu leurs variantes de lutte (« cumberland », « westmorland », « lancashire », « cornwall », etc) sur les territoires occupés (Canada, Etats-Unis, Afrique du Sud, Australie, Nouvelle-Zéllande, etc).

En 1892, le champion de lutte Tom Cannon, d’Angleterre, visite les Indes Britanniques (qui incluent aujourd’hui l’Inde, le Pakistan, le Bangladesh, Sri Lanka, Myanmar (Birmanie), et la région disputée du Cashmire, et connaît la défaite des mains d’un jeune homme de 21 ans nommé Kareem Buksh. Il semble que ce soit le premier contact entre les écoles indiennes et occidentales de lutte professionnelle.

En France, dès 1894, c’est le « Terrible Turc » Koca Youssouf Ismaelo (natif de Bulgarie, et donc sujet de l’Empire Ottoman) qui fait régner la terreur avec ses 1m87 pour 109 voire 113 kg. Après avoir battu tous les lutteurs européens qu’on ait pu lui opposer, il traverse l’Atlantique et domine le champion d’Amérique Ernst Roeber, en 1898.


Le « Terrible Turc » Koca Youssouf Ismael(o)

Dans le style de « lutte à la ceinture » relativement proche de la lutte française (dite « gréco-romaine »), c’est l’Hercule russe (ou biélorusse, selon les sources) Ivan Paddoubny (1m83, 112 kg) qui s’octroie le titre professionnel en 1898. Ses succès ainsi que ceux de I.Zaikin et H.Vahtourov montrent la transition des luttes à la ceinture et v skhvatkou à la lutte gréco-romaine.


Ivan Paddoubny/Poddubny

Sous l’impulsion du Baron Pierre de Coubertin, les sports amateurs retrouvent leurs lettres de noblesse avec la résurrection des Jeux Olympiques en 1896. Le premier sport de combat à y être associé est la « lutte gréco-romaine », c’est-à-dire avec interdiction de saisie des jambes. Cette discipline était pratiquée en France, notamment vers 1845 par à un certain Exbrayat, ancien grognard de l'Empire qui tenait une baraque foraine. C’est lui qui institua la règle de ne pas porter de prises au-dessous de la ceinture et interdit prises et torsions douloureuses.
L’Allemand Carl Schuhmann remporte le premier titre des Jeux Olympiques Modernes aux dépends du Grec Tsitas. La domination germanique se confirme en 1904, lors des premiers championnats du monde avec l’Autrichien Rudolf Arnold. Les Scandinaves ne sont pas en reste puisque le Danois Soeren Marinus Jensen remporte les championnats du monde en 1905 et le titre olympique en 1906 imité par son compatriote Hans Heinrich Egeberg aux championnats du monde de 1907.


Carl Schuhmann : lutteur et gymnaste

Parallèlement, le style « libre » amateur, dérivé du « catch-as-catch-can » professionnel, fait son entrée aux Jeux Olympiques qui se tiennent à Saint-Louis aux Etats-Unis en 1904. L‘Etatsunien Bernhoff Hansen obtient la médaille d’or. En 1908, à Londres, c’est l’Irlandais apatride George Cornelius O'Kelly qui l’emporte, prouvant la domination des Anglo-saxons dans le style « libre » dont ils sont les inventeurs. Mais il faudra attendre 1951 à Helsinki (Finlande) pour que les premiers championnats du monde soient organisés. Aux Etats-Unis, en 1908, c’est un lutteur professionnel (catcheur) qui obtient la consécration : le champion Nord-Américain Frank Gotch (1m80, 95 kg) remporte deux matchs face au champion d’Europe George Hackenschmidt (d’origine estonienne) et la presse étatsunienne s’empresse de le proclamer "Champion du Monde". Mais après leurs retraites respectives, le « catch » s’enlise dans les combats arrangés et relève aujourd’hui plus du spectacle que du sport ; en tout cas, plus du tout du sport de compétition.


Frank Gotch


George Hackenschmidt

Il faut toutefois signaler le plus célèbre Indien que connaîtront les Britanniques : Mian Ghulam Muhammad dit le « Grand Gama » (1m70, 91 kg) qui arpenta les rings occidentaux entre 1909 et 1910. Auparavant, après deux matchs nuls, dont un long de deux heures, il avait réussi à vaincre son gigantesque compatriote Rahim Sultaniwala (2m05 à 2m10 selon les sources, pour un poids de 122 à 136 kg) lors d’une troisième et ultime confrontation.


le « Grand Gama »

En 1892 a lieu le premier championnat du monde de Boxe Anglaise selon les règles du Marquis de Queensburry. Il oppose deux américains : le champion du monde de Boxe à poings nus depuis 1882, John L. Sullivan dit "le dur de Boston" (1m78, 86 kg lors de sa conquête du titre et probablement près de 100 kg ce jour historique), à son challenger James J. Corbett surnommé le "Gentleman" (1m82, 81 kg). La victoire du "gentilhomme" (au 21ème round, grâce à la technique) sur le "cogneur" marque la fin d'une époque sanglante. Désormais la Boxe Anglaise est un sport soucieux de préserver l'intégrité physique de ses pratiquants



James J. Corbett surnommé le "Gentleman"

Quelques années plus tard (en 1904 exactement) et avec de menus aménagements, la Boxe Anglaise amateur rejoindra le giron des sports olympiques.
Avec les Jeux Olympiques Modernes, les sportifs amateurs vont de plus en plus s’exprimer face à un public de plus en plus large jusqu’à devenir réellement planétaire :

- aux styles de lutte « gréco-romaine » et « libre » viendra s’ajouter, en 1964 (en démonstration puis officiellement en 1972) le « judo » lors des Jeux de Tokyo ;

- à la « boxe anglaise amateur », introduite dès 1904 dans le programme olympique (premier tournoi remporté par l’Etatsunien Samuel Berger, deuxième, en 1908, par le Britannique Albert Oldmam), s’ajouteront le « taekwondo » lors des JO de Séoul, en Corée, et peut-être le « kung-fu wushu » lors des JO de Pékin/Beijing en 2008.

Autant de preuves de l’ouverture de l’Europe et de l’Amérique vers l’Asie.

Arts martiaux

L'Orient sera influencé par la renaissance des valeurs athlétiques en Occident puisque les "jitsu" (techniques guerrières) des samouraïs japonais deviendront des "do" (voies morales) codifiées par des universitaires empreints de modernisme et d'ouverture aux pays étrangers.
Les méthodes et moyens de combat en usage au Japon avant l'arrivée du commodore américain Perry en 1853 ont pratiquement disparu devant l'efficacité des armes occidentales. Quelques années plus tard, arcs, sabres, etc, ou méthodes à mains nues réapparaissaient après avoir changé de sens. Les "jitsu" (applications pratiques) devenaient des "do" (voies morales).En 1868, l'empereur Mutsu Hito entreprend de restaurer l'ancienne monarchie (longtemps écartée par les shoguns et leurs samouraïs) en développant notamment des relations avec les pays étrangers et en se modernisant. Dans les années 1880, la nouvelle noblesse succombe à la mode des sports athlétiques. Jigoro Kano (1860-1938) crée le Kodokan (école pour l'étude de la Voie) en 1882. Dès 1877, cet universitaire japonais avait commencé des recherches et un entraînement pour créer sa propre méthode en s'inspirant du Ju-Jitsu, c'est-à-dire des techniques de combat à mains nues créées et améliorées par les samouraïs du XIIIème au XIXème siècle pour leur assurer la victoire en cas de perte de leurs armes. Son Judo atteindra une dimension internationale en 1952 (création de la fédération internationale) et 1956 (premier championnat du monde), et déviendra enfin sport (de démonstration) olympique en 1964


Jigoro Kano

Le Judo est le premier art martial (japonais) à être reconnu par le Comité International Olympique. Son pendant dans la famille des sports de percussions, le Karatédo, est créé par Gichin Funakochi dans les années 1920 (plus précisément le style Shotokan; d'autres styles étant nés depuis, tels que le Goju-Ryu, le Shito-Ryu, le Wado-Ryu, le Kyokushinkaï, etc). Ayant cité le Judo et le Karaté, il faut ajouter le troisième art martial japonais : l’Aïkido, fondé par sensei Morihei Ueshiba.


Gichin Funakochi


Morihei Ueshiba

Malgré une très large diffusion, l’admission du Karaté en tant que sport olympique n'a pas encore été réalisée. C'est une autre discipline, coréenne celle-ci, qui l'a devancé : le Taekwondo. Cependant ni les champions du Taekwondo (comme Kyong-Hun Kim, premier champion olympique à Sydney, en 2000), du Karaté Shotokan, ou des styles plus efficaces en frappes réelles comme le Kyokushinkaï (avec Francisco Filho finaliste du K1-GP 2001), le Daido-Juku (avec Semmy Schilt, devenu ensuite "roi du Pancrase") ou le Seidokaïkan (avec Andy Hugh, vainqueur du K1 en 1996) ne peuvent pour l'instant rivaliser avec les (palmarès des) champions de Judo


Kyong-Hun Kim (Corée du Sud)


Francisco Filho (Brésil)

Les plus titrés et/ou renommés sont :
- le français David Douillet (1m96, 125 kg) : 2 fois champion olympique (en 1996 et 2000) et 4 fois champion du monde (en 1993, doublé en 1995 et 1997)
- et le japonais Yashuhiro Yamashita (environ 1m80 pour 120 kg) : champion olympique en 1984 et 4 fois champion du monde (en 1979, doublé en 1981 et 1983), qui se retira invaincu après 203 victoires consécutives,
- mais aussi le grand champion de Judo/Ju-Jitsu de la première moitié du siècle (plusieurs titres nationaux d'un sport qui n'était pas encore international) : Masahiko Kimura (1m68, 84 kg à 20 ans, capable d'exécuter 1000 pompes d'affilée) régna sur son sport de 1937 à 1949 (exactement comme Joe Louis en Boxe).


Masahiko Kimura


Bruce Lee vs Chuck Norris

Tant en Boxe professionnelle ou amateur qu'en Lutte gréco-romaine ou libre, les grands champions ne manqueront pas. Et puis, le nombre des sports de combat va lui-même augmenter entre autres sous l'influence du cinéma d'action, notamment de Hong-Kong (une pensée pour Bruce Lee ...). Il serait impossible de lister tous les champions. Ne seront donc cités que les meilleurs (les plus titrés) avec une préférence pour les champions "poids lourds" et/ou "toutes catégories".

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